Le Marché : l’histoire bretonne de la vie quotidienne trégoroise à travers les siècles

Il suffit d’un vendredi matin sur une Place du Martray pour comprendre : ici, l’échange est un héritage.
Des foires aux animaux aux marchés d’aujourd’hui,
le Trégor a gardé ce fil de convivialité qui relie les siècles.

Source d’inspiration locale :

Histoire Locale – n° du 03/07/2015 (PDF)

Les foires d’autrefois dans le Trégor

Avant l’auto, les drives et les applis, la vie s’organisait autour de quelques dates
que tout le monde connaissait. Jour de foire, jour de marché : on y venait à pied,
en charrette, parfois en bateau pour les communes proches des estuaires. On y vendait,
on y achetait, on y apprenait des nouvelles, on y réglait ses affaires—parfois d’une simple poignée de main.

  • Marchands de bétail et de chevaux,
  • Producteurs de beurre, œufs, légumes et volailles,
  • Colporteurs qui apportaient tissus, mercerie, remèdes « miracles » et récits de voyage.

Les grandes journées pouvaient transformer la ville en fourmilière :
à La Roche-Derrien, à Tréguier, la rumeur montait depuis l’aube.
On négociait serré, on scellait des unions, on vidait parfois les conflits…
Les cabarets aux alentours ne désemplissaient pas : le marché, c’était aussi un
théâtre social.

Foires et marchés à travers les siècles : repères de chronologie

Moyen Âge : privilèges, halles et routes

Dès le XIe siècle, des seigneuries et abbayes accordent des droits de foire.
On fixe des jours (souvent autour d’une fête religieuse), on promet la sécurité
et parfois l’exemption de péages. Autour du Martray, on construit des
halles pour protéger les denrées ; on surveille poids et mesures pour
éviter les tromperies. Les ports et les routes du Trégor connectent sel, toiles, grains, poissons :
la foire devient carrefour.

Époque moderne : règles, fiscalités et spécialisation

Entre les XVIe et XVIIIe siècles, la ville règle la vie des marchés :
criées publiques, prix taxés (pain, sel), octrois
aux portes. Les métiers se structurent : drapiers, merciers, apothicaires, tanneurs…
Les foires se spécialisent : chevaux, bovins, toiles, Saint-Michel pour les contrats, etc.

XIXe siècle : l’âge des grands marchés ruraux

Les foires aux animaux deviennent majeures. On aménage des enclos, on codifie les contrôles
d’hygiène. Le beurre s’achète en mottes, les œufs « au nombre », le grain au
boisseau — avant la normalisation. Le marché est aussi un
journal vivant : affiches, nouvelles, embauches, discussions politiques.
Après, on pousse la porte des cafés.
(Beaucoup de débits furent tenus par des femmes : veuves de marins, d’artisans ou d’agriculteurs,
elles reprenaient l’établissement et faisaient tourner la maison—rôle discret mais central.)

XXe siècle : repli des foires au bétail, renouveau du terroir

Motorisation, coopératives, abattoirs : les foires au bétail reculent ou migrent vers des sites spécialisés.
Les marchés hebdomadaires renaissent autour du produit local et de la
vente directe, bientôt soutenus par le tourisme et les vacances à la mer.

Des cris aux chiffres : les « marchés au cadran »

Là où l’on marchandait autrefois à la voix et au clin d’œil, certains sites bretons sont passés
aux marchés au cadran : une vente aux enchères moderne, chronométrée,
affichée, qui fluidifie les transactions de bovins ou d’ovins et rassure sur la transparence des prix.
On y retrouve l’esprit d’efficacité des grandes foires, mais avec la rigueur d’un outil
pensé pour les professionnels.

Foires aux animaux : scènes, gestes et métiers

  • Chevaux & bovins : on juge l’aplomb, la dentition, la conformation ;
    les maquignons maîtrisent l’art du deal (poignée furtive, doigts serrés pour signifier le prix —
    langage codé d’un monde où la parole engage).
  • Porcs & moutons : transactions rapides, souvent par lots ;
    les règles d’hygiène se renforcent au XIXe.
  • Volailles : cages en osier, prix au nombre ; l’hiver, les volailles grasses de fête.
  • Police du marché : droits de place, pesage, interdiction d’entraver la chaussée,
    horaires de déballage ; les sergents veillent au grain… et aux grains !

Costumes, coiffes et « savoir-vivre » des jours de foire

Le jour de foire, on « fait tenue ». Les sabots sont cirés, la veste est propre, et les femmes
ajustent leur coiffe. En Trégor comme ailleurs en Bretagne, la coiffe
dit l’appartenance : pays, commune, âge de la vie, parfois deuil.
Du petit bonnet de travail aux modèles plus ouvragés (dentelles, ailettes),
la coiffe est un signe discret mais lisible. Et si la modernité l’a simplifiée,
elle reste dans les mémoires comme un emblème.

« Au marché, on vient pour acheter, mais surtout pour se montrer droit dans ses sabots. »

Aujourd’hui : foires, braderies et pardons — un patrimoine bien vivant

Les grandes foires d’aujourd’hui

L’esprit des grandes rencontres n’a pas disparu : à Lannion, les foires et
fêtes commerciales continuent d’animer le centre ; à Saint-Brieuc, la
foire-expo rassemble chaque année exposants, artisanat et innovations.
Moins rurales, plus familiales et festives, elles gardent la même mission :
réunir.

Braderies : d’où ça vient ?

Le mot viendrait du flamand braden (« rôtir ») — souvenirs de fêtes de rue où l’on
grillait et marchandait. Dans le Trégor, la braderie est devenue un moment
de déstockage joyeux : étals dehors, rues piétonnes, affaires à faire,
musiciens au coin des places. Un air de foire, version urbaine.

Pardons : la ferveur au pas de la porte

Impossible de parler d’âme bretonne sans évoquer les pardons :
processions, bannières, parfois costumes, puis fête paroissiale.
Beaucoup se tiennent près des lieux de marché. Spirituel et profane s’y saluent :
on prie, on chante, on danse — et on partage une crêpe.
Le pardon, c’est la collectivité qui se reconnaît.

Et les marchés du Trégor, aujourd’hui ?

Sans détailler : La Roche-Derrien anime sa Place du Martray le vendredi matin,
Tréguier rayonne le mercredi autour de la cathédrale,
Lannion déploie un grand marché le jeudi,
Paimpol parfume le mardi d’embruns marins,
Perros-Guirec sourit le vendredi,
Bégard incarne l’Argoat le lundi — et la semaine se complète à Trégastel,
Pleubian, Pontrieux, Plouha…

Conseils pour goûter l’âme des marchés

  • Venez tôt : les meilleurs produits partent avec la fraîcheur.
  • Levez les yeux : un Martray raconte l’urbanisme et la mémoire.
  • Parlez aux producteurs : on ramène des recettes autant que des victuailles.
  • Faites une pause : crêpe, galette-saucisse, café — la Bretagne se savoure aussi debout.

En séjour au gîte Ty Kousked ? Glissez un panier dans le coffre :
vendredi matin, Place du Martray, on vous attend.

Qu’est-ce que le Martray ?

Martray vient de l’ancien français martroi/martrai : la grande place du marché, cœur d’échanges d’une ville bretonne. On y pesait, mesurait, criait les prix, affichait les annonces, percevait les droits — et on y fêtait.

Fonctions historiques : marché hebdomadaire, foires, criées publiques, justice de ville, fêtes et pardons.

Variantes : Martray (Bretagne), Martroi (Val de Loire, Orléans), Martrai/Martrais (formes anciennes).

  • En Bretagne : La Roche-Derrien, Tréguier, Paimpol, Quimperlé…
  • Ailleurs : Orléans (Place du Martroi, toponyme emblématique).
À lire : origine, époques, foires aux animaux, marchés au cadran, braderies, pardons. Source locale (PDF • Histoire Locale 03/07/2015)

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