Niché au cœur de la Bretagne, entre Guingamp et Paimpol, le Temple de Lanleff se dresse comme un énigme architecturale dans les brumes du temps. Cet édifice, souvent désigné par le terme “temple”, est en réalité une église romane dont les origines remontent aux Xe ou XIe siècles. Dans cet article, nous plongerons dans l’histoire pour explorer les origines du Temple de Lanleff.
De Temple à Église, ou d’église à temple ?
De ses enceintes concentriques évoquant des traditions anciennes à la légende de la fontaine maudite, chaque pierre de ce monument historique semble raconter une histoire. Rejoignez-nous dans cette quête historique pour découvrir si le Temple de Lanleff était :
- le sanctuaire d’une divinité oubliée, celtique peut-être ?
- un lieu de culte chrétien,
- ou peut-être même un vestige des mystérieux Templiers.
Qu’en pensez-vous ?
Était-ce originellement un temple dans le sens moderne qu’on donne aujourd’hui à ce terme ou une église ?
À l’origine était une église romane
L’origine du Temple de Lanleff, bien que communément appelé ainsi, est en réalité celle d’une église romane, un fait qui a été établi grâce à des recherches historiques et archéologiques approfondies.
Datant des Xe ou XIe siècles, cette structure est remarquable pour son architecture circulaire, qui évoque les églises templières et suggère une inspiration tirée de la rotonde du Saint-Sépulcre de Jérusalem, un modèle architectural répandu après les Croisades.
Les théories autour de la conception du Temple de Lanleff
Avec ses enceintes concentriques et ses douze arcades, la conception du Temple de Lanleff est exceptionnelle et rare. Cette étrangeté a conduit à de nombreuses spéculations sur sa fonction originelle.
Les théories sur son utilisation ont varié au fil du temps, certaines suggérant qu’il aurait pu servir :
- de temple païen,
- de lieu de culte druidique,
- ou même de baptistère mérovingien.
Cependant, aucune preuve concrète n’a été trouvée pour étayer ces hypothèses, les historiens ayant fouillé avec minutie les archives disponibles.
La découverte d’une charte de 1148 a finalement confirmé son identité chrétienne sous le nom de « Sainte-Marie-de-Lanleff« .
Nous en donnons plus de détails tout au long de cet article.
Une architecture du Haut Moyen-Âge
L’architecture du Temple de Lanleff suggère fortement qu’il s’agit d’une construction du Haut Moyen Âge. Cela est dû à plusieurs éléments distinctifs :
- sa conception architecturale inhabituelle avec deux enceintes concentriques et des arcades en plein cintre, typiques du style roman primitif qui dominait en Europe occidentale entre le IXe et le XIIe siècle. Ce style est reconnaissable à ses formes géométriques épurées, ses murs robustes et ses ouvertures réduites, des caractéristiques qui correspondent aux vestiges actuels du Temple de Lanleff.
- Les piliers carrés qui supportent les arcades de la rotonde intérieure sont également indicatifs de l’architecture préromane et romane primitive. À cette époque, les méthodes de construction étaient plus rudimentaires, favorisant l’usage de piliers carrés au lieu de formes rondes ou cruciformes, qui ne sont devenues courantes qu’au cours du XIe siècle. Cela indique que le Temple de Lanleff pourrait dater d’une période antérieure.
- Les matériaux de construction, tels que le grès rose, la spilite et le granite gris-beige, reflètent également les pratiques de construction de l’époque et étaient typiques de la région.
- Enfin, les éléments décoratifs, malgré leur simplicité et l’érosion du temps, semblent dater d’avant les XIe et XIIe siècles. Les motifs géométriques et les représentations d’êtres humains et d’animaux sur les chapiteaux et les bases des colonnes illustrent un art religieux en pleine évolution, caractéristique de la période préromane et des débuts de l’art roman.
Ces aspects architecturaux et stylistiques, conjugués aux découvertes historiques et archéologiques, renforcent l’hypothèse que le Temple de Lanleff est un édifice du Haut Moyen Âge, témoignant des influences culturelles et artistiques de cette époque en Bretagne.
Dans ces notes, en 1836, Prosper Mérimée partage ses observations sur l’ancienneté de l’église de Lanleff. Il écrit : « Je suis d’avis que l’église de Lanleff est plus ancienne que le XIIe siècle ; cependant, il m’est impossible de déterminer de combien exactement. Lorsqu’on examine son agencement irrégulier, on pourrait penser qu’il ne faut pas remonter avant le VIIe ou VIIIe siècle. » Cette remarque met en lumière l’incertitude qui règne quant à la datation précise de l’édifice, tout en soulignant son grand âge.
Une origine longtemps discutée : gauloise, celtique, païenne, gallo-romaine, templière ?
Selon l’histériographie de Philippe GUIGON, depuis le XVIIIe siècle, le temple de Lanleff a suscité de nombreuses controverses, faisant l’objet de plus de 180 références et représentations diverses.
Six principales hypothèses ont été avancées pour expliquer l’origine de ce monument :
- un temple païen,
- une construction templière,
- un baptistère,
- un cimetière,
- une église à l’imitation du Saint-Sépulcre de Jérusalem,
- et même une preuve de la découverte de l’Amérique par les Bretons !!!
La théorie la plus ancienne, soutenue par des figures telles que Christophe-Paul de Robien et Anne de Caylus, était celle d’un temple païen, potentiellement lié aux druides ou aux Romains. Cette idée a été renforcée par des comparaisons avec d’autres structures et des interprétations étymologiques de Lanleff comme “lieu du gémissement”. Cependant, cette théorie a été contestée par des érudits qui ont favorisé l’interprétation d’une église du XIIe siècle.
L’hypothèse d’un baptistère a été proposée par Gilles Deric et développée par Armand-Louis Maudet de Penhoët, en raison de la forme circulaire de l’édifice et de la présence d’une fontaine adjacente. Cependant, cette idée n’a pas eu une grande résonance critique.
La théorie d’une église templière a été popularisée par Prosper Mérimée et d’autres, mais a été progressivement abandonnée au profit de l’idée que le “temple” était une imitation du Saint-Sépulcre de Jérusalem. Alfred Ramé a contribué de manière significative à cette compréhension en proposant un plan complet de l’édifice après des fouilles archéologiques.
L’utilisation du monument comme cimetière a également été envisagée, notamment en raison de la présence de sépultures et d’un if planté au centre de l’édifice. Cependant, les registres de sépultures ont montré que les inhumations à l’intérieur de l’église ont continué jusqu’en 1718.
Enfin, une comparaison avec la tour circulaire de Newport aux États-Unis a été faite par Louis Kervran, suggérant une similitude entre les deux structures. Cependant, les datations au carbone 14 ont placé la construction de la tour de Newport bien après le Moyen Âge, rendant cette comparaison peu plausible.
En outre, dans le Bulletin d’Archéologie, sur Gallica BnF, il est possible de trouver les travaux cités ci-dessus de M. Ramé, qui sont les suivants. Le Temple de Lanleff a longtemps captivé l’attention des érudits et mis à l’épreuve l’acuité des antiquaires. Dès le XVIIe siècle, des figures éminentes telles que Caylus, Robien et Ruffelet ont discuté de son origine, certains n’hésitant pas à le déclarer d’origine gauloise ou gallo-romaine. Au XIXe siècle, M. de Penhouët, dans un mémoire remarquable pour son époque, a suggéré qu’il s’agissait d’un baptistère chrétien des IIIe ou Ve siècles. Le Gonidec, suivi par M. de Fréminville, a ravivé l’idée désuète d’un vestige du culte gaulois, voire d’un temple solaire. Cependant, les recherches plus approfondies de personnalités telles que de Blois, Mérimée, de la Monneraye et de Caumont ont mené à un consensus général : le Temple de Lanleff est reconnu comme une église chrétienne des Xe ou XIIe siècles, construite selon un plan exceptionnel qui trouve des parallèles en France et en Angleterre, et qui pourrait être inspiré par le temple de Jérusalem, indiquant peut-être une construction par l’Ordre des Templiers.
Les éléments constructifs de l’architecture du Temple de Lanleff
Toujours d’après le Bulletin d’Archéologie, le Temple de Lanleff a longtemps captivé les chercheurs.
Le Temple se compose de deux enceintes circulaires concentriques, avec une partie centrale élevée et un déambulatoire communiquant par douze arcades. Bien que partiellement en ruines, le site conserve des voûtes sur le côté oriental et des murs extérieurs au sud. Le côté nord a été détruit pour faire place à un chemin. Une église moderne a été ajoutée à l’est, et une chapelle, ou niche circulaire, est devenue la chapelle Sainte-Anne.
Des observations plus attentives ont révélé que le Temple de Lanleff n’était pas purement circulaire, mais qu’il était complété à l’est par trois absides circulaires, une disposition similaire à celle de l’église templière de Ségovie et de l’ancienne église du Saint-Sépulcre de Jérusalem. Ces découvertes suggèrent que le Temple de Lanleff était une construction complexe et significative du Moyen Âge, reflétant les influences architecturales et religieuses de l’époque.
Les fouilles archéologiques sur le site du Temple de Lanleff
Le Temple de Lanleff a été l’objet d’une étude minutieuse par M. Ramé, retranscrite dans le Bulletin archéologique de l’Association bretonne de 1857, qui a révélé une structure composée de deux enceintes circulaires concentriques. La partie centrale, semblable à un donjon, est surmontée par les branches d’un if ancien, tandis que le déambulatoire circulaire communique avec cette partie centrale par douze arcades en plein cintre. Des modifications ont été apportées au fil du temps, notamment la construction d’une église moderne et l’ajout d’une chapelle, la chapelle Sainte-Anne, qui a été préservée malgré les changements.
Des fouilles archéologiques ont été entreprises pour déterminer si les ouvertures dans l’enceinte extérieure étaient contemporaines de la construction originale ou si elles avaient été ajoutées plus tard. Les résultats ont montré que l’enceinte circulaire existait autrefois sans interruption, et que les ouvertures étaient des modifications ultérieures. Cependant, M. Ramé a contesté ces conclusions, arguant que les fondations continues sous les arcades indiquent que l’édifice était initialement conçu avec des chapelles annexées au déambulatoire, comme c’était la coutume pour les églises romanes du XIe et XIIe siècles.
En s’appuyant sur des preuves théoriques et d’observation, M. Ramé a affirmé que le Temple de Lanleff possédait autrefois trois chapelles circulaires orientales, conformément aux pratiques architecturales de l’époque. Il a soutenu que la chapelle Sainte-Anne était le dernier vestige de ces chapelles et que des fouilles supplémentaires révéleraient les fondations d’une chapelle septentrionale correspondante. Malgré les objections, il a maintenu que le Temple de Lanleff était à l’origine une église chrétienne avec un plan caractéristique des édifices religieux médiévaux.
Les travaux de restauration et de déblaiement entrepris entre 1854 et 1856 ont cherché à redonner au Temple de Lanleff son apparence originelle, confirmant ainsi l’ancienneté de la chapelle Sainte-Anne et la présence d’une abside centrale. Ces découvertes ont renforcé la conviction que le Temple de Lanleff était bien une église chrétienne du Moyen Âge, et non un édifice purement circulaire comme on l’avait longtemps cru.
La chapelle Saint Anne : un élément intriguant du temple
La Chapelle Sainte-Anne, intégrée au Temple de Lanleff, a capturé l’intérêt des chercheurs grâce à sa structure circulaire et sa voûte en pierre demi-sphérique, des attributs qui suggèrent une ancienneté équivalente à celle du temple lui-même, remontant peut-être au début du Moyen Âge.
Sa présence enrichit la complexité architecturale du Temple de Lanleff et met en exergue son rôle significatif en tant que joyau de l’architecture religieuse médiévale bretonne. Elle amplifie le mystère et la spiritualité du site, offrant aux visiteurs une dimension supplémentaire dans leur découverte de ce patrimoine historique.
Les fouilles archéologiques ont démontré que la Chapelle Sainte-Anne n’est pas un ajout tardif mais une partie originelle du plan du Temple. Cette découverte invalide les théories précédentes et confirme la nature chrétienne du Temple de Lanleff, inspiré par le Saint-Sépulcre de Jérusalem et possiblement lié à l’Ordre des Templiers. La Chapelle Sainte-Anne demeure un sujet d’étude captivant pour ceux qui s’intéressent à l’histoire médiévale de la Bretagne.
Dans le cadre du Temple de Lanleff, la Chapelle Sainte-Anne aurait pu servir de lieu sacré pour la prière, renforçant ainsi la sacralité de l’ensemble de l’édifice. Elle contribue à l’importance historique du Temple, représentant un autre exemple de l’architecture religieuse médiévale de la région et enrichissant l’atmosphère mystique et spirituelle qui caractérise ce site historique breton.
La Chapelle Sainte-Anne possède une importance religieuse particulière, étant dédiée à la mère de la Vierge Marie, Sainte Anne, vénérée dans la tradition chrétienne. Les chapelles consacrées à Sainte Anne sont souvent le théâtre de dévotion, où les croyants se rassemblent pour prier pour la famille, la fertilité et la protection des mères et des enfants.
L’if de Lanleff : un mystère séculaire
L’if séculaire du Temple de Lanleff, fréquemment mentionné dans les annales historiques, trônait au centre de la rotonde, jouant un rôle essentiel tant sur le plan littéral que symbolique.
Documenté pour la première fois par le Marquis de Robien en 1735 et plus tard confirmé par Fréminville en 1810, cet if incarnait la tradition européenne, et plus spécifiquement bretonne, de planter des ifs dans les cimetières comme symboles d’immortalité et de mort. Cette tradition suggère que l’if de Lanleff aurait pu être planté pour marquer la sacralité du lieu ou pour protéger les sépultures, une idée proposée par Maudet de Penhoët en 1824.
Abattu en 1857, un dessin de Félix Benoist en 1860 a révélé que le diamètre de l’if était probablement moins grand que ce que les estimations antérieures suggéraient, remettant en cause son âge présumé de 650 ans.
Malgré sa disparition, l’if continue d’ajouter à la mystique du Temple. Les tombes à épitaphes découvertes par Prosper Mérimée en 1835 indiquent que le Temple a pu servir de cimetière à une certaine période, une pratique en accord avec les coutumes funéraires jusqu’en 1718, avant que le cimetière ne devienne le lieu principal d’inhumation en 17682.
Ces éléments historiques soulignent la profonde signification religieuse et funéraire du Temple de Lanleff au fil des siècles.
Une légende locale liée à l’if du Temple de Lanleff raconte l’histoire d’une sorcière qui aurait vendu son enfant au Diable en échange de douze pièces d’or brûlantes, issues du feu de l’enfer. En essayant de les saisir, elle se serait brûlée les mains, ajoutant ainsi une couche de mystère et de folklore au site du Temple de Lanleff et à l’if qui s’y trouvait jadis.
Les autres églises templières en Bretagne : aux temps où les Templiers étaient bretons
La Bretagne est cette terre de légendes et d’histoire, qui abrite des vestiges des Templiers. Vous connaissez ces moines-soldats du Moyen Âge ?
Malgré la dissolution de l’Ordre du Temple, leur héritage perdure à travers des sites emblématiques qui parsèment la région.
Parmi eux, la chapelle templière de Carentoir se distingue, inscrite sur la liste des commanderies de l’époque.
À Yvignac, la chapelle Saint-Jean-Baptiste et la Madeleine à Clisson sont des exemples notables de chapelles templières qui ont conservé leur authenticité avec des éléments architecturaux datant d’avant le XIVe siècle.
L’ancienne commanderie du temple de la Nouée, également à Yvignac, se tient comme l’un des derniers témoins de cette époque révolue en Bretagne.
De plus, la Chapelle Notre Dame De Toutes Vertus, érigée en 1182 au Temple-de-Bretagne et restaurée au XVème siècle, reste liée à la mémoire des Templiers.
Dans les Côtes d’Armor, l’église Saint-Malo à Yvignac-la-Tour, construite au XIIe siècle, se dresse fièrement avec sa tour carrée de 32 mètres de hauteur, témoignant de l’architecture romane de l’ordre des Templiers.
Ces lieux, bien qu’ombragés par la renommée du Temple de Lanleff et de ce fait parfois moins connus, constituent une part essentielle du patrimoine breton.
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Pour visiter le Temple de Lanleff et plonger dans son passé religieux, rendez-vous à l’adresse suivante : Le Bourg, 22290 Lanleff.
Il est conseillé de prendre contact avec l’organisme responsable de la gestion du Temple afin de vous informer sur la possibilité
de bénéficier de visites guidées qui pourraient agrémenter et approfondir votre visite.
Le site est en accès libre.
Cet article a été écrit en utilisant les sources suivantes :
Bulletin archéologique de l’Association bretonne – 1857
L’histoire du temple de Lanleff
Le temple de Lanleff : lieu insolite
L’histériographie du Temple ou de l’église de Lanleff